Semaine nationale de l'immigration francophone: 7000 km à vol d’oiseau
Et si on voulait expliquer ce qu’était l’immigration à un enfant, par où commencer? Quand Nabila Fathi, Spécialiste en communications chez Coopération Intégration Canada était enfant au Maroc, le terme lui évoquait les oiseaux migrateurs, traversant le ciel en formant un V comme dans victoire (à la guerre comme à la guerre). Aujourd’hui, elle y songe avec un peu d’humour et un peu de nostalgie; adulte, elle finit bien par traverser l’océan non pas à dos d’oiseau, mais tout de même l’expérience lui prête sa plume.
Lorsqu’on atterrit à Ottawa, on remarque très vite sa diversité culturelle. On entend plusieurs histoires dans des langues qui nous sont inconnues lorsqu’on est assis dans l’autobus; on en prend note. C’est ce que font les Éditions David, également, une maison littéraire ancrée à Ottawa qui veut contribuer à la diversité de la littérature franco-canadienne en publiant en priorité des auteurs de l’Ontario et d’autres communautés francophones périphériques au Canada. C’est pour cela qu’en janvier 2021 ils lancèrent un concours d’écriture, invitant les nouveaux arrivants et les personnes issues de l’immigration, comme certains membres de la communauté d’accueil, à raconter leur expérience d’immigration à la ville.
C’est ce qu’est devenu Histoires d’Immigration, recueil de quarante parcours uniques et spéciaux. Parmi les thèmes, on découvre des histoires de conflits et de guerre qui nous démontrent comment le parcours d’immigrant.e peut être éprouvant, alors que d'autres nous amènent à évaluer le poids des sacrifices, car dans l’espoir d’une vie meilleure, il arrive que les coûts n’en valent pas la peine. Même quand ce n’est pas le cas, c’est les larmes de nos enfants qu’on sèche. Nabila en sait quelque chose, et elle en parle dans «7000 km à vol d’oiseau».
Pour célébrer la Semaine nationale de l’immigration francophone du 7 au 13 novembre, qui a pour thème cette année «la francophonie aux milles saveurs», nous avons discuté avec Mme Fathi par rapport à son expérience d'immigration, le processus de rédaction pour le recueil, ainsi que son expertise en communication et les secteurs connexes. Voici ce qu’elle avait à nous dire.
Qu’est-ce qui t’a motivée à soumettre ton texte au concours Histoires d’Immigration ? Peux-tu nous parler de l’expérience de publication avec l’équipe des Éditions David ?
Une amie qui travaillait dans le secteur culturel à Ottawa m’a proposé de faire un partenariat avec Les Éditions David, en ma qualité de responsable des communications dans un organisme sans but lucratif œuvrant dans l’accompagnement et l’aide à l’intégration des nouveaux arrivants. L’objectif était de faire la promotion du concours auprès de notre clientèle. L’idée d’y participer moi-même n’a germé dans ma tête que par la suite, lors d’une discussion avec mon conjoint au sujet du concours et de l’originalité du concept. Y apporter ma modeste contribution offrait une sorte de libération, malgré mon côté un peu pudique quand il s’agit de parler de moi-même ou de mes propres expériences.
De quelle manière est-ce que ton parcours d’immigration te distingue des autres dans ton milieu de travail ?
Il faut dire que je travaille dans un milieu où l’immigration est omniprésente. Mais chacun a sa propre histoire même si, à première vue, elle semble présenter des similitudes avec d’autres. Chacun vit ses expériences avec son propre regard, son propre vécu et ses propres ressentis. La mienne n’est ni douloureuse dans le sens profond du terme, ni atypique. Seul la Covid l’a couverte d’une couche de solitude par moment, ce sentiment d’impuissance face à ces facteurs sur lesquels nous ne pouvons pas agir, cette impossibilité de pouvoir se déplacer comme on le souhaite au moment de notre choix, ce besoin presque vital de se connecter à son pays d’origine en y foulant les pieds une première fois après le voyage d’immigration. Mais étais-je la seule à vivre ces moments déstabilisants ? Absolument pas. Était-ce ma situation de nouvelle immigrante, arrivée au Canada peu de temps avant la pandémie, qui rendait mon expérience un tantinet plus pénible que d’autres ? Je répondrai que oui.
De ton expérience en journalisme, rédaction, et communications digitales, quel atout penses-tu être le plus utile dans ce que tu fais aujourd’hui ?
Les trois (rires). Le journalisme m’a appris le sens de l’écoute, de l’observation et de l’analyse. C’est aussi un métier qui nous pousse à nous informer en permanence, comme une addiction. La rédaction permet de coucher sur papier ce que les autres formulent comme idée. Le plus important n’est pas tant le style de l’écriture lui-même, mais plutôt la possibilité de transmettre et d’expliquer avec précision. De répondre à toutes les questions que peut se poser un lecteur ou une lectrice. La communication digitale permet quant à elle de toucher un plus grand nombre de personnes. C’est un outil qui, aussi performant soit-il, a besoin d’un message fort pour qu’il soit efficace.
J’ajouterai également que mon expérience dans le management en tant que directrice d’un journal marocain avec une équipe d’une cinquantaine de personnes a aiguisé mon sens des relations humaines, de la gestion des priorités et l’importance d’une vision stratégique.
En tant que Spécialiste en communications chez Coopération Intégration Canada, as-tu des suggestions pour aider les organismes qui desservent les communautés des nouveaux arrivants à mieux communiquer avec elles ? Durant la COVID-19, qu’est-ce qui a bien fonctionné pour toi ?
Ma première suggestion serait de ne pas traiter des communautés qui peuvent sembler proches comme une entité uniforme. De faire des recherches pour mieux s’informer des particularités culturelles, historiques… de chaque ‘’communauté’’. Il est toujours plus aisé d’approcher une communauté quand on montre un intérêt réel à ce qu’elle est, au-delà de ce dont elle a besoin. On peut alors mieux échanger, gagner la confiance des personnes de ces communautés, être de l’autre côté du miroir, la comprendre pour mieux la servir.
Quelles sont tes recommandations pour faciliter l’intégration des professionnels en communication francophones lorsqu’ils arrivent au Canada ?
Je préfère parler de partage d’expérience plutôt que de recommandations. Et je parlerai aussi d’Ottawa ou de l’Ontario, mais non du Canada. Les contraintes et les opportunités différent d’une province à l’autre. Et cela est encore plus marqué pour la communauté francophone en dehors du Québec.
Pour revenir à votre question, tout commence par la bonne information. Il existe un joli maillage d’organismes communautaires d’aide à l’intégration des francophones. Il ne faut pas manquer d' aider à chercher celui qui répond mieux aux besoins de chacun. Passer par des stages non rémunérés dans son domaine d’expertise peut aussi aider à décrocher un emploi dans son secteur plus rapidement. Et dernière chose, le mentorat peut également être un outil efficace pour aider à faciliter l’accès au marché du travail dans lequel la personne dispose déjà d’un savoir-faire.
Comme le dit Nabila, il est toujours plus aisé d’approcher une communauté quand on montre un intérêt réel à ce qu’elle est. Histoires d’Immigration permet de se mettre à la place de l'autre, le temps d’en parcourir les lignes. Vous pouvez vous le procurer ici chez les Éditions David.
Visitez le calendrier des évènements de la Semaine nationale de l’immigration francophone pour consulter les activités qui auront lieu cette fin de semaine.